Nutrition & Hydratation

Une forte relation existe entre l’état nutritionnel (y compris l’hydratation) et le développement d’une escarre1. C’est pourquoi une partie entière est dédiée à ce sujet, en plus de la conduite à tenir en prévention 

Dans la section suivante, vous retrouverez : 

 

CORRELATION ETAT NUTRITIONNEL / DEVELOPPEMENT DES ESCARRES 

La nutrition joue un rôle important dans la prévention et la cicatrisation des escarres et est essentielle au maintien de l’intégrité tissulaire. 

Une altération de la nutrition et une réduction de l’apport nutritionnel sont significativement associées au développement d’une escarre et à un temps de cicatrisation allongé. De plus, le manque de vitamines et d’oligo-éléments peut également prédisposer le patient à un risque accru d’escarre

Pour aller plus loin

Cliquez ici pour retrouver le tableau de correspondance entre différents nutriments, leurs fonctions et l'effet de leur déficience sur la cicatrisation2 :

 

Nutriments 

Fonctions 

Effets de la déficience  

Protéines 

  • Nécessaires à la synthèse de nouveaux tissus 
  • Hémostase 
  • Réponse immune 
  • Ré-épithélialisation 
  • Résistance à la tension 
  • Cicatrisation retardée : augmentation de la perte protéique via l’exsudat 
  • Tissus avec une faible résistance à la tension 
  • Œdème 

Acides gras essentiels 

  • Synthèse des membranes cellulaires
  • Voie de signalisation de l’inflammation

Altération de l’immunocompétence (réponse immunitaire normale)

Lipides et glucides

Nécessaire pour éviter que les protéines alimentaires ou tissulaires soient utilisées comme source d’énergie

La perte des réserves lipidiques augmente le risque d’escarre

Vitamines B

  • Co-enzyme du métabolisme
  • Co-facteur pour le dépôt de collagène / réticulation
  • Formation des anticorps par les cellules immunitaires

Altération de l’immunité

Vitamine C

  • Protection des métalloenzymes contre l’oxydation
  • Production de superoxyde par les neutrophiles
  • Hydroxylation proline et lysine
  • Synthèse de collagène
  • Réticulation du collagène
  • Angiogenèse
  • Diminution du chimiotactisme des neutrophiles / macrophages
  • Altération de l’activité bactéricide locale
  • Déhiscence des plaies
  • Augmentation de la fragilité capillaire

Vitamine E

 

  • Inhibition de la production de radicaux libres
  • Prévention de l’oxydation des acides gras polyinsaturés des membranes cellulaires

En excès :

  • Augmentation du risque de fibrose
  • Augmentation du risque hémorragique

Fer

  • Prévention anémie
  • Optimisation de la perfusion tissulaire
  • Augmentation synthèse de collagène
  • Ischémie tissulaire
  • Altération de la réticulation du collagène
  • Diminution de la résistance à la tension

Zinc

Cofacteur enzymatique pour :

  • Prolifération cellulaire
  • Stabilisation des membranes
  • Synthèse protéines
  • Métabolisme protéines, lipides, glucides
  • Diminution de la prolifération des fibroblastes
  • Diminution des taux de ré-épithélialisation
  • Réduction de la synthèse de collagène
  • Diminution de la résistance de la plaie
  • Réduction de la synthèse de protéine liant le rétinol

Cuivre

  • Angiogenèse
  • Induction de facteurs de croissance locaux
  • Modulation de remodelage de la matrice extra-cellulaire

Déficience peu probable

Manganèse

Co-facteur des métalloenzymes

En cas de déficience, le magnésium se substitut

Sélénium

Protection cellulaire des dommages liés au peroxyde d’hydrogène (via incorporation dans la glutathione peroxydase)

Altération de la fonction des macrophages

 

 

Une autre catégorie de facteurs de risques abordée dans la littérature est spécifique aux interventions chirurgicales et inclus la durée de l’intervention, la position, l’utilisation de support anti-escarre1 

 

ÉVALUATION NUTRITIONNELLE 

L’intervention nutritionnelle commence par l’évaluation du statut nutritionnel et le dépistage d’un risque nutritionnel. L’objectif est de s’assurer que l’apport alimentaire contient suffisamment de nutriments pour maintenir ou améliorer l’état nutritionnel. Une évaluation nutritionnelle doit être effectuée à l’entrée dans un nouveau cadre de soins de santé et à chaque fois l’état d’un patient se modifie pouvant ainsi augmenter le risque de malnutrition1. 

L’évaluation nutritionnelle devrait inclure1 : 

  • Le poids actuel et le poids habituel
  • L’historique de gain / perte de poids involontaire
  • L’apport nutritionnel par rapport aux besoins (y compris les besoins en protéines, en calories et en liquides)
  • L’appétit
  • La santé dentaire
  • Les difficultés de mastication / déglutition
  • La capacité de la personne à se nourrir
  • Les antécédents médicaux / chirurgicaux pouvant avoir un impact sur l’absorption des nutriments
  • L’interaction médicament / nutriment
  • L’influence des facteurs psychosociaux (finances, préférences alimentaires, disponibilité d’installations de préparation d’aliments) et culture / mode de vie 

S’assurer que la personne peut tolérer et/ou gérer le régime recommandé est essentiel. Un recours à un orthophoniste peut être fait pour une évaluation de la déglutition en présence de difficultés à mâcher ou à avaler1. 

 

CRITERES CLINIQUES DE DENUTRITION

Différents outils sont utilisés chez les personnes âgées (> 70 ans)3 :

Vous pouvez retrouver certains d’entre eux dans les outils mis à votre disposition

En pratique

Calcul de l’IMC :

IMC = Poids (kg) / Taille (m2)

Pour les personnes âgées (> 70 ans) :

Dénutrition = IMC < 21 kg/m2

Calcul de la perte de poids3 :

% amaigrissement = Poids habituel/Poids actuel ×100

Pour les personnes âgées :

- Perte ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10% en 6 mois = dénutrition simple

- Perte > 10 % en 1 mois ou > 15 % en 6 mois = dénutrition sévère

Score MNA (Mini Nutritional Assessement) :

Le MNA ou « évaluation nutritionnelle minimale » est un index semi-quantitatif multifactoriel qui permet de dépister la dénutrition en institution et de quantifier le risque nutritionnel en particulier au cours d’un trouble moteur, d’un stress ou d’une maladie psychologique3.

Un score < 17 reflète une dénutrition

Retrouvez-le dans nos outils

Score MUST (Malnutrition Universal Screening Tool)4 :

Le score de risque MUST (en 5 étapes) a été développé en Angleterre pour faciliter l’identification des adultes qui sont en insuffisance pondérale et à risque de malnutrition, ainsi que ceux qui sont obèses. Il n’est pas conçu pour détecter des carences en vitamines et minéraux ni des apports excessifs en ce type de nutriments5.

Retrouvez-le dans nos outils

CRITERES BIOLOGIQUES DE DENUTRITION

Dans la littérature, les mesures standards de l’état des protéines (albumine et pré-albumine) sont retrouvées pour identifier l’état nutritionnel et l’impact des interventions mais ils sont peu spécifiques1.

En pratique

  • Albumine sérique 

En raison de sa demi-vie longue de 12 à 21 jours4, l’intérêt de l’albumine sérique comme marqueur nutritionnel peut être discutée2. En effet, une albumine basse va refléter un état général plutôt que de représenter l’état nutritionnel1. Pendant les périodes d’inflammation, la production de cytokines peut entrainer le retour d’albumine dans le foie, entraînant une diminution des niveaux d’albumine sérique. Au contraire, la déshydratation peut entrainer une augmentation des taux d’albumine sérique4. De plus, sa demi-vie longue, ne permet pas de suivre les impacts des interventions nutritionnelles8. Toutefois, l’albumine reste un marqueur de dénutrition chez le sujet âgé après élimination des autres causes d’hypoalbuminémie3

Dénutrition du sujet âgé3 

  • Moyenne : albuminémie entre 30 et 35 g/l 
  • Sévère : albuminémie < 30 g/l 
  • Pré-albumine 

La pré-albumine, avec sa courte demi-vie de 2 à 3 jours, était traditionnellement considérée comme un indicateur plus précis4. Malheureusement, il est soumis aux mêmes facteurs qui influent sur les taux d’albumine, ce qui le rend également problématique. Les niveaux de pré-albumine peuvent diminuer en raison du stress métabolique et de l’inflammation ou être maintenus malgré la malnutrition4

Aujourd’hui, différents index multiparamétriques permettent de définir et de suivre le statut nutritionnel. L’index de Buzby ou Nutritional Risk Index (NRI) est calculé grâce à l’albuminémie3

NRI = (1,519 × albuminémie) + (0,417 × Poids habituel / Poids actuel) ×100 

Il permet de répartir les patients en 3 classes : 

> 97,5% : état nutritionnel normal 

83,5 à 97,5% : dénutrition modérée 

< 83,5% : dénutrition sévère 

BESOINS NUTRITIONNELS 

Chez les patients porteurs d’escarres, comme lors de toute alimentation, la prise en charge doit assurer, pour être complète, un apport en énergie, protéines, vitamines, oligoéléments, électrolytes et eau3. 

Les recommandations pour les besoins sont : 

En calories : 25-35 kcal / kg de poids corporel / jour avec une augmentation de 5-10 kcal / kg de poids corporel / jour 

Pour traiter la dénutrition 

  • En glucides : 3 à 4 g/kg/j sans dépasser 5,5 g/kg/j 
  • En lipides : 0,5 à 1,5 g/kg/j sans dépasser 2 g/kg/j 
  • En protéines : 1,0 à 1,5 g/kg/j 
References
  1. Registered Nurses’ Association of Ontario (RNAO). Clinical Best Practice Guidelines: Risk Assessment and Prevention of Pressure Ulcers (Revised 2011 Supplement). 2005. Available from: https://rnao.ca/sites/rnao-ca/files/Risk_Assessment_and_Prevention_of_Pressure_Ulcers.pdf
  2. Collins C. Nutrition and wound care. Clinical nutrition highlights. 2006;2(3):2-7.
  3. Desport JC, et al. Evaluation nutritionnelle et mesure de la dénutrition. Club de réflexion des cabinets et groupes d’Hépato-gastroentérologie. Fiche de recommandations alimentaires. 2010. https://www.cregg.org/wordpress/wp-content/uploads/2012/06/documents-nutrition-evaluation.pdf
  4. Posthauer ME, et al. Nutrition: a critical component of wound healing. Adv Skin Wound Care 2010;23:560-72.
  5. BAPEN. La brochure explicative du MUST. https://www.bapen.org.uk/images/pdfs/must/french/must-exp-bk.pdf

Pour aller plus loin

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Conduite à tenir en prévention

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Place des pansements en prévention

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Infographie protocoles de soins