Principe de la cicatrisation en milieu humide

Les pansements techniques possèdent la capacité de garder une humidité au niveau de la plaie. Mais quel est l'intérêt d'un tel pansement pour la cicatrisation ? Quels sont les preuves cliniques en faveur de la cicatrisation en milieu humide ? 

Qu'est-ce que la cicatrisation en milieu humide ?

Le microenvironnement de la plaie est défini comme le milieu extérieur à la plaie et en contact direct avec sa surface. Les milieux cicatriciels sont classés selon 3 groupes1 :

  • Milieu sec : absence de barrière permettant de maintenir l’exsudat et la matrice extra-cellulaire au sein de la plaie
  • Milieu humide : couverture de la plaie à l’aide d’un pansement possédant la capacité de contrôler le taux d’humidité de la plaie grâce à ses capacités d’absorption et de rétention des fluides.
  • Milieu liquide : couverture de la plaie avec une membrane imperméable hermétiquement fixée à la périphérie de la plaie grâce à des adhésifs.

Il a longtemps été considéré que la bonne cicatrisation d’une plaie nécessitait son assèchement, l’humidité étant alors considérée comme délétère pour le processus de réparation. Ce paradigme a été modifié dans les années 1960 grâce aux travaux du Dr George Winter qui ont montré que le maintien d’un niveau optimal d’humidité permettait une cicatrisation à la fois plus rapide et plus efficace1,2

Les preuves cliniques

L’expérience du Dr Winter

Modèle expérimental : plaie induite chirurgicalement chez le porc. Les plaies faisaient toutes 2,5 cm² avec une profondeur de 0,01 à 0,03 cm afin d’enlever toute la surface de l’épiderme et la couche papillaire du derme.

Pour en savoir plus sur la structure de la peau, consulter notre page dédiée.

Traitement de la plaie : les plaies destinées à une prise en charge en milieu humide étaient couvertes par un film en polyéthylène. Les plaies contrôles, réalisées sur le même animal, étaient quant à elles laissées librement exposées à l’air.

Résultats : les plaies maintenues en milieu humide montrent une réépithélialisation plus rapide que celles laissées à l’air libre. Ainsi, 3 jours après la chirurgie, les plaies maintenues en milieu humide montraient une réépithélialisation de 88,1% contre seulement 32,6% pour les plaies sèches (p<0,001).

Conclusion : la réépithélialisation des plaies intervient environ 2 fois plus vite en milieu humide qu’en milieu sec.

Autres preuves cliniques1 :

Différentes études cliniques ont étudié l’efficacité du maintien en milieu humide ainsi que les mécanismes la sous-tendant.

Il a ainsi été montré que le milieu humide :

  • Facilite le processus cicatriciel en prévenant la déshydratation et en améliorant l’angiogenèse et la production de collagène
  • Augmente l’élimination des tissus morts et de la fibrine
  • Améliore l’esthétique de la plaie et diminue la douleur
  • N’augmente pas le risque d’infection par rapport au milieu sec.

Les mécanismes impliqués dans l’efficacité du maintien en milieu humide sont multiples :

  • Meilleure migration des cellules épithéliales en milieu humide
  • Accélération de la réépithélialisation, ,
  • Présence prolongée des protéinases et des facteurs de croissance
  • Les exsudats issus de plaies maintenues en milieu humide stimulent la prolifération des kératinocytes et la croissance des fibroblastes, permettant un maintien de la présence des facteurs de croissance au sein de la plaie.

(Pour en savoir plus sur le rôle des exsudats dans la cicatrisation des plaies, consulter notre page dédiée)

Comment choisir le bon pansement ?

Depuis la découverte de l’intérêt de la cicatrisation en milieu humide dans les années 1960, les chercheurs et les industriels se sont alliés afin de développer des pansements permettant de maintenir un milieu cicatriciel le plus favorable possible3.

Evolution des pansements au cours du temps

Les pansements permettant de maintenir un milieu de cicatrisation humide sont rapidement devenus le traitement standard des plaies, notamment lors de la prise en charge des plaies chroniques. Depuis plus de 60 ans, les évolutions technologiques ont permis de développer des pansement toujours plus efficaces3 :

  • Années 1960 : Apparition du premier pansement permettant une cicatrisation en milieu humide sous la forme d’un film semi-occlusif, partiellement imperméables aux échanges gazeux.
  • Années 1980 : Développement des pansements « modernes ». Commercialisation des pansement hydrocolloïdes adhésifs permettant de fournir un environnement cicatriciel occlusif (imperméable aux gaz). Mise à disposition des pansements hydrogels, non-adhérents à la plaie et permettant de réhydrater une plaie sèche. Apparition des mousses de polyuréthane (non-adhérentes, ne se désagrégeant pas au contact de la plaie et offrant une bonne gestion de l’exsudat) et des pansements à l’alginate de calcium (grande capacité d’absorption de liquide)
  • Années 1990 : Développement rapide des différentes gammes de pansements et apparition de nouveautés. Pansements silicone souples de différentes tailles et formes. Pansements actifs renfermant des agents anti-microbiens, notamment l’argent.
  • Depuis le début des années 2000 : Utilisation des outils à disposition afin de privilégier le bien être du patient et développement de pansements permettant un retrait non douloureux, essentiel chez les patients atteints de plaies chroniques nécessitant des changements de pansement régulier.

Comment choisir le bon pansement ?

Les plaies sont des éléments dynamiques naturellement amenés à se modifier et évoluer au cours du temps.
Le choix du bon pansement à appliquer au bon moment est donc essentiel afin de maintenir un processus cicatriciel optimal. C’est pourquoi une réévaluation régulière de la plaie et du patient par les professionnels de santé est essentielle afin de leur permettre de choisir la meilleure option thérapeutique en fonction de l’état de la plaie, des objectifs thérapeutiques définis lors de la prise en charge et des attentes du patient3

De nombreux critères sont à prendre en compte dans le choix d’un pansement. Idéalement, les pansements utilisés pour prendre en charge une plaie doivent donc répondre à différents critères essentiels3,4,5 :

  • Fournir un milieu cicatriciel humide
  • Posséder une capacité d’absorption des fluides adaptée à la production de la plaie (pour en savoir plus sur la gestion des exsudats, consulter notre page dédiée)
  • Être capable de s’adapter à la forme de la plaie (Pour en savoir plus sur l’espace mort, consulter notre page dédiée)
  • Minimiser le risque de fuite et de macération 
  • Prévenir le risque d’infection
  • Favoriser le bien-être du patient : facilité d’application, retrait non douloureux, maintien en place suffisamment long et confort de port

POUR ALLER PLUS LOIN

Références
  1. Junker JP, et al. Clinical Impact Upon Wound Healing and Inflammation in Moist, Wet, and Dry Environments. Adv Wound Care (New Rochelle). 2013; 2(7): 348-356.
  2. Winter, G. Formation of the Scab and the Rate of Epithelization of Superficial Wounds in the Skin of the Young Domestic Pig. Nature. 1962; 193: 293–294.
  3. Baranoski S, Ayello EA. Wound dressings: an evolving art and science. Adv Skin Wound Care. 2012; 25(2): 87-92.
  4. Keast DH, et al. Managing the gap to promote healing in chronic wounds — an international consensus. Wounds International 2020;11(3):58-63.
  5. World Union of Wound Healing Societies (WUWHS) Document consensuel. Wound exsudate. Effective assessment and management. Wounds International. 2019.

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